Eh oui, nous y voilà à nouveau, c’est la rentrée en classe ! Cette nouvelle année s’annonce différente pour beaucoup. C’est tout spécialement vrai pour les étudiants malentendants.
Si tout le monde doit se réhabituer à l’apprentissage en présentiel, pour les étudiants malentendants, la transition peut s’avérer particulièrement compliquée. Mais une bonne préparation, une bonne organisation et des aménagements adéquats peuvent faciliter leur retour en classe.
Les barrières pour les étudiants malentendants en classe avant la pandémie
De façon générale, le milieu éducatif a toujours fait face à des obstacles. Beaucoup d’étudiants malentendants doivent les surmonter, et ce, bien avant la pandémie. Il convient pour commencer d’en souligner quelques-uns :
- L’aménagement de la classe : cela peut paraître anodin, mais l’agencement d’une salle de classe peut faire la pluie ou le beau temps pour les personnes malentendantes. Si le locuteur tourne le dos aux étudiants ou que ceux-ci ne se font pas face, il peut être difficile de réussir à suivre la conversation et de savoir qui parle. Les personnes malentendantes comptent beaucoup sur les indices visuels. Les expressions faciales, la lecture labiale et d’autres techniques que certaines configurations de salle ne permettent pas d’utiliser.
- Les contenus vidéo/audio : certains contenus vidéo et audio utilisés en cours ne sont pas toujours sous-titrés. Le sous-titrage est pourtant un outil crucial pour de nombreux étudiants sourds. Sans cela, une grande partie du contenu audio/vidéo nous passe à côté faute d’être entendu.
- La prise de notes : la prise de notes constitue une autre barrière pour les personnes malentendantes. Écouter, être attentif et prendre des notes tout à la fois est très difficile, et ce, pour plusieurs raisons. Écouter ou regarder un interprète, lire des sous-titres, etc. nous demande beaucoup d’énergie et de concentration. Il est alors difficile d’effectuer plusieurs tâches à la fois. Le fait d’écouter ou d’essayer d’être attentif exige déjà en lui-même quasiment toute notre vigilance. Nous devons redoubler de concentration en le faisant pour être sûrs de bien tout entendre. Ajoutée à cela, la prise de notes nous empêche bien souvent d’entendre ou de traiter la totalité de ce que vous nous dites. Le temps que nous terminions de prendre en note une phrase, le locuteur en a sans doute déjà ajouté l’équivalent de 10 pages de plus.
« Ecouter en classe, pour ceux d’entre nous qui souffrent de perte auditive, est parfois tout sauf naturel et peut même s’avérer assez fatigant.»
- Les bruits de fond/sources de distraction : conversations, chuchotements, chaises qui grincent, portes et casiers qui claquent, cliquetis de talons aiguilles… Tous ces bruits résonnent souvent pour les personnes qui utilisent des technologies d’assistance auditive. En présence d’un seul de ces éléments, un étudiant malentendant peut déjà avoir énormément de mal à « faire abstraction ». Il risque alors de se sentir perdu, voire complètement déconnecté du locuteur/de l’enseignant.
- La fatigue auditive : écouter, pour ceux d’entre nous qui souffrent de perte auditive, est parfois tout sauf naturel et peut même s’avérer assez fatigant. C’est encore plus vrai pour les personnes qui utilisent des technologies d’assistance auditive. Les aides auditives par exemple amplifient le son, mais ne le clarifient pas pour autant. Nous devons par conséquent déployer plus d’énergie pour nous assurer d’entendre et de traiter la totalité des sons correctement. Il existe en outre un décalage entre le rythme auquel les sons sont perçus et celui auquel ils sont traités. C’est parce que le son ne va pas directement jusqu’à nos oreilles. Ils traversent de nombreux canaux avant de pouvoir y arriver. Ces facteurs contribuent fortement à la fatigue auditive et au burn-out. Nous devons en effet compenser ces décalages à longueur de journée en consacrant des trésors d’énergie et de concentration à l’écoute.
- La surcharge sensorielle : en milieu scolaire, la surcharge sensorielle est plus importante qu’il n’y paraît. C’est d’autant plus vrai dans les gros établissements ou les campus universitaires. Si on tient compte de tous les bruits de fond et distractions déjà mentionnés, de la foule, des nouvelles technologies, de l’écho de toutes les voix et des nombreux problèmes évoqués plus haut, pas surprenant qu’on puisse en venir à ressentir une immense surcharge sensorielle. Vivre dans un monde d’entendants peut parfois être incroyablement écrasant.
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La salle de classe et les directives liées à la COVID-19
À présent, ajoutez les masques et la distanciation physique à tout ce que je viens d’énumérer. Ces facteurs ont énormément affecté les personnes malentendantes. Mais quelles en sont les conséquences en milieu scolaire ?
La fatigue auditive et la surcharge sensorielle se décuplent et la communication est encore plus entravée. Nous sommes contraints de déployer encore plus de cette énergie et de cette concentration accrues qu’auparavant.
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Ce que beaucoup d’entre nous utilisaient en renfort (la lecture labiale en l’occurrence) nous a été enlevé. Si le reste du monde doit sans cesse s’ajuster et se réajuster à cette « nouvelle normalité », la communauté sourde doit, elle aussi, s’ajuster à sa « nouvelle normalité ».
« Si le reste du monde doit sans cesse s’ajuster et se réajuster à cette « nouvelle normalité », la communauté sourde doit, elle aussi, s’ajuster à sa « nouvelle normalité ». »
L’émergence de nouvelles exigences peut nécessiter le changement ou l’adaptation d’aménagements précédemment mis en place. C’est ce qui s’est passé dans mon cas. J’ai commencé mon programme de doctorat la semaine dernière. Je bénéficie d’un certain nombre d’aménagements depuis plusieurs années déjà : assistance à la prise de notes, prolongation de la durée des tests, autorisation d’enregistrer les cours, sous-titrage, utilisation d’un système FM personnel, etc. Mais cette année en prime, j’ai aussi dû demander aux professeurs de porter un masque transparent et d’ajouter une transcription en direct lors des réunions Zoom. Dès mon premier cours, j’ai compris en moins de cinq minutes que j’allais devoir réévaluer la situation. J’ai vite réalisé qu’il me faudrait un sous-titrage en temps réel. Il me serait en effet impossible d’entendre et de distinguer les locuteurs parmi les 40 étudiants équipés de masques.
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Franchir les obstacles liés à la COVID-19 en classe
Comment peut-on surmonter ces obstacles en procédant par tâtonnement, qu’on soit enseignant ou étudiant ? Heureusement, certaines mesures permettent d’atténuer ces barrières.
- S’imposer, se faire entendre : dans ce contexte constamment changeant et très « chamboulant », nous devons absolument faire connaître nos besoins. Tout le monde doit avoir les mêmes chances en matière de communication, d’éducation et d’accessibilité ! Veillez donc à ce que les gens sachent exactement comment vous donner cet accès.
- Réfléchir aux aménagements : il existe toujours un moyen d’aménager les conditions, en milieu scolaire notamment, pour garantir l’égalité d’accès à l’éducation. Les enseignants et les coordinateurs responsables des questions d’accessibilité peuvent vous aider à déterminer les aménagements adaptés. Les besoins d’aménagements diffèrent selon les individus, car chaque personne malentendante est différente. Soyez donc sûr de communiquer vos besoins en la matière. Renseignez-vous pour découvrir tout ce qui peut être mis en place pour vous aider.
- Penser à la technologie : les technologies auditives pour la classe telles que la technologie Phonak Roger™ peuvent aider les étudiants à entendre dans les environnements bruyants. Une nouvelle étude a également conclu que, même avec le port massif du masque aujourd’hui, Roger reste une solution auditive viable pour surmonter les effets néfastes du bruit de fond et de la distance. Envisagez d’utiliser la gamme de produits Roger for Education, car elle propose une solution pour chaque situation.
- Porter des masques transparents change la vie : je n’avais jamais réalisé l’impact des masques transparents jusqu’à mon deuxième jour de cours en présentiel depuis plus d’un an. Lorsque les masques sont apparus l’année dernière, je me suis sentie encore plus perdue dans ce monde d’entendants. Soudain, je ne pouvais plus vraiment compter sur ma méthode de communication habituelle basée sur la lecture labiale. À ce moment-là néanmoins, la totalité de mes cours se déroulait en ligne. Il n’y avait donc pas de masques. Lors de mon premier jour en présentiel à l’université, personne n’avait de masque transparent, mais le deuxième jour oui et cela a fait une énorme différence, croyez-moi ! Je pouvais non seulement à nouveau lire sur les lèvres, mais aussi voir les expressions faciales. La qualité du son était même meilleure avec les masques transparents qu’avec les autres.
« Nous devons absolument faire connaître nos besoins.»
- Tout sous-titrer : si vous êtes enseignant ou formateur, l’un des moyens les plus efficaces pour apporter votre aide consiste à sous-titrer tous vos contenus vidéo et audio. Cela permettra aux étudiants sourds et malentendants de comprendre pleinement tout contenu de ce type que vous présenterez en cours.
- Évaluer son environnement : depuis l’école primaire, j’ai pris l’habitude d’étudier mon environnement à l’avance chaque fois que je peux. J’essaie de voir où m’asseoir pour entendre au mieux le professeur ou le cours. Si vous êtes enseignant ou formateur, sachez que ce qu’il y a de mieux à faire pour nous aider, c’est de disposer les chaises en vis-à-vis. Il est en effet extrêmement difficile d’entendre des voix qui vous tournent le dos. Lorsque tout le monde se fait face, cela permet de voir les expressions du visage, le langage corporel, etc., et de recevoir le son dans le bon sens.
- Minimiser si possible le bruit de fond : ça c’est une autre chose que j’ai découverte très tôt. Le bruit de fond nuit considérablement à la capacité d’écoute à plusieurs niveaux. De façon générale, il est difficile pour les personnes atteintes de perte auditive d’entendre plus d’une seule chose à la fois. En cas de bruit de fond important pendant que l’enseignant parle, l’étudiant malentendant aura du mal à entendre la voix du professeur se démarquer. Si en plus cet étudiant utilise une technologie d’assistance auditive, le bruit de fond aura tendance à être plus amplifié. Il finira par prendre le dessus sur la voix du locuteur. Heureusement, il existe quelques petites choses très simples à faire. Fermer la porte pendant les cours pour minimiser le bruit provenant des couloirs. Mettre des balles de tennis aux pieds des chaises pour les empêcher de crisser chaque fois qu’on les tire. Etc…
- Utiliser des éléments visuels surtout pour les concepts complexes : les aides visuelles comme les photos, les graphiques, les présentations PowerPoint, etc. sont très utiles. Elles nous donnent à voir et peuvent nous aider à combler les éventuels manques.
Toutes ces solutions ne sont que quelques-unes des astuces utiles aux étudiants comme aux enseignants en milieu scolaire. Il existe toujours un moyen de créer un environnement plus accessible et plus inclusif pour tous. Cette nouvelle année scolaire s’accompagnera à n’en pas douter de tout un tas de défis auxquels nous n’avons encore jamais songé. Prenez le temps, faites preuve de flexibilité avec ceux qui vous entourent, demandez aux gens de quoi ils ont besoin et continuez à vous faire entendre pour vous et pour les autres.
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