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Qui est concerné par le lien entre perte auditive et démence ?

Démence

 

Le titre est alarmant : « Une perte auditive légère dans votre jeunesse peut vous exposer à des risques sérieux de démence plus tard. » Le sous-titre de Healthline n’est guère plus rassurant : « Aussi subtile soit-elle, une perte d’audition au cours de votre jeunesse peut modifier vos fonctions cérébrales et augmenter le risque de démence. »

Holà. Que signifie cette affirmation pour ceux d’entre nous qui sont jeunes et souffrent d’une déficience auditive non liée à l’âge ? Et qu’en est-il pour ceux qui possède une aide auditive ou un implant cochléaire ? Devons-nous nous inquiéter d’être concernés par le lien entre perte auditive et démence ?

L’étude du Dr Lee

Jusqu’à présent, les études relatives à la perte auditive et à la démence étaient axées sur les personnes âgées.

À lire également : Les jeux d’entraînement cérébral améliorent-ils les capacités d’écoute ?

Le Dr Yune S. Lee, professeur adjoint en sciences de l’audition et de la parole à l’université d’État de l’Ohio, a réalisé une étude pour comprendre comment le cerveau réagit aux phrases simples et aux phrases complexes. Les participants étaient âgés de 18 à 41 ans.

Afin de préparer cette étude, l’audition de chacun d’eux a été testée. L’équipe du Dr Lee a alors découvert une activité inhabituelle (et observable à l’IRM) au niveau du cortex frontal droit des personnes souffrant ne serait-ce que d’une infime perte auditive. Sachant que le côté droit ne fonctionne pas réellement avant l’âge de 50 ans, le résultat était d’importance certaine.

Lee a alors formulé l’idée selon laquelle les personnes souffrant de déficience auditive déploient de tels efforts pour entendre, qu’elles commencent à puiser dans leurs ressources cognitives normalement dédiées à la mémoire et à l’attention. Cette hypothèse l’a ensuite conduit à affirmer que « les personnes atteintes d’une perte auditive légère ont deux fois plus de risques de souffrir de démence. »

Questions concernant la perte auditive et la démence

Et qu’en est-il des pertes auditives sévères ou profondes ? Le Dr Lee indique que, d’après la publication du Dr Frank R. Lin et al., « Hearing Loss and Incident Dementia » dans le magazine Arch Neurol (fév. 2011), un individu atteint d’une perte sévère d’audition a cinq fois plus de risques de développer une démence.

Le fait d’être équipé d’une aide auditive ou d’un implant cochléaire modifie-t-il la probabilité ?

Lee ignore si de telles études ont déjà été réalisées. Mais il indique que « les aides auditives et les implants cochléaires sont censés réduire les efforts d’écoute. Ils doivent de ce fait prévenir la fatigue cognitive. »

Stacey Caroll est une infirmière sourde diplômée d’un doctorat et officiant en psychiatrie gériatrique. Elle souligne l’importance de traiter la perte auditive et de stimuler l’audition : « On ignore si les périodes sans appareillage permettent de suspendre les efforts liés à l’écoute ou risquent au contraire d’être dommageables », ajoute-t-elle.

De toute évidence, de nouvelles recherches dans ce domaine sont nécessaires. Dans un article intitulé « Hearing Loss & Dementia – Who’s Listening? » publié dans Aging Mental Health (août 2014), on peut lire le paragraphe suivant :

« S’il est possible que les thérapies de réhabilitation auditive et les appareils auditifs puissent réduire la charge cognitive, apporter une stimulation auditive accrue et favoriser la socialisation, aucune recherche n’a en revanche été réalisée pour savoir si ces thérapies peuvent réellement réduire le risque de déclin cognitif et de démence. »

La suite du paragraphe explique que les résultats des études épidémiologiques quant aux effets de l’utilisation d’aides auditives n’ont pas été concluants.

« Les individus qui choisissent d’utiliser des aides auditives et autres technologies sont souvent en meilleure santé et ont un statut socio-économique plus élevé (créant un penchant positif en faveur de l’effet protecteur). Mais ils souffrent également plus souvent de problèmes d’audition plus sévères (résultant cette fois en un penchant négatif) que les individus n’utilisant pas d’aides auditives. »

Le moment où la perte auditive se produit a-t-il de l’importance ?

Une perte auditive congénitale exposerait-elle aux mêmes risques ? Lee estime que non : « les personnes sourdes se sont adaptées de manière inhérente à un environnement non sonore. ». Mais cette affirmation reste discutable s’agissant des personnes ayant eu une aide auditive et/ou un implant très tôt.

Une perte auditive congénitale exposerait-elle aux mêmes risques ? Lee estime que non : « les personnes sourdes se sont adaptées de manière inhérente à un environnement non sonore. »

Bien entendu, d’autres facteurs tels que la génétique, le statut socio-économique, etc. entrent probablement en jeu. « Rien ne nous permet cependant d’affirmer avec certitude que tout cela puisse conduire à la démence (pas même nos découvertes) », précise Lee. « Toute interprétation doit donc être faite avec la plus grande prudence. » Autrement dit, l’origine reste inconnue. Nous savons qu’il existe un lien, mais nous n’avons pas réussi à en élucider la cause.

« Il semble qu’une corrélation existe, mais la cause ou les effets à ce stade restent incertains », déclare Stacey Carroll. « En outre, nous ignorons encore la cause de nombreuses formes de démence. Ce qui accentue la complexité de la question. »

Futures recherches

Le Dr Lee envisage d’étudier d’autres catégories de population telles que les ouvriers de chantier, les employés d’aéroport, les DJ de boîte de nuit, etc. Le but est de recueillir plus d’informations sur le lien entre perte auditive et démence.

En attendant, les professionnels de santé doivent prêter une attention particulière aux pertes auditives. Et en faire une priorité lors de l’évaluation de potentiels cas de démence. Dans un article de l’AARP, le Dr Murali Doraiswamy, professeur en médecine et en psychiatrie à l’école de médecine de l’université Duke et co-auteur de « The Alzheimer’s Action Plan », constate que cette piste de réflexion est trop souvent négligée. Selon lui, le lien entre perte auditive et problèmes cognitifs légers est de plus en plus admis. Il affirme même que la correction de la perte d’audition est deux fois plus efficace que n’importe quel médicament pour le renforcement cognitif disponible sur le marché. Les professionnels de santé devraient donc, de son point de vue, d’abord commencer par explorer cette piste.

Le Pr. Doraiswamy indique également qu’il faudrait effectuer des essais contrôlés sur le long terme pour savoir si les implants cochléaires peuvent retarder l’apparition d’une démence chez les sujets à risques, « ce qui clôturerait le débat ».

En conclusion : ce que vous devez retenir

La perte auditive affecte la structure cérébrale et la charge cognitive. Elle contraint aussi de nombreuses personnes à s’isoler socialement. Mais si la perte d’audition se produit et est identifiée très tôt, permettant ainsi de bénéficier d’aides auditives ou d’implants cochléaires, le risque de démence n’est en théorie pas aussi élevé que le titre d’Healthline tente de nous le faire croire.

Pensez-vous que vous risquez de souffrir de perte auditive ? Voici ce que vous pouvez faire.

Lisa A. Goldstein
Lisa A. Goldstein
Lisa A. Goldstein has a Masters in Journalism from UC Berkeley, a digital hearing aid, a cochlear implant, and plenty of deaf-friendly communication equipment. She spends her days juggling life as a freelance journalist, wife, and mother of two in Pittsburgh, PA.