Une récente étude publiée dans la revue scientifique Nature a révélé que la flexibilité cérébrale pourrait accélérer les progrès auditifs après implantation. Le temps nécessaire à un implant cochléaire pour atteindre son plein potentiel peut en effet s’étendre de quelques heures à plusieurs années !
Flexibilité cérébrale et implants cochléaires sont étroitement liés. Nous savons à présent qu’il existe sans doute une raison à la grande disparité des résultats obtenus après une implantation. Les success-stories sont nombreuses : des vidéos de bébés qui pleurent en entendant la voix de leur maman pour la toute première fois aux adultes qui versent des larmes de joie lorsqu’ils réentendent soudain après des années de silence. Mais qu’en est-il des autres histoires ? Beaucoup connaissent la déception à l’activation de leur implant cochléaire, car leur cerveau ne réussit pas encore à bien interpréter les signaux électriques.
On le sait, toutes les success-stories d’implantation ne se ressemblent pas. Un implant cochléaire reçoit des signaux électriques, que le cerveau doit apprendre à corréler à un son. Cela peut prendre du temps. Les facteurs qui déterminent la réussite de l’implant sont variés : il y a l’âge du patient, la durée d’existence de la surdité, la cause de la perte auditive, etc. Les chercheurs s’accordent néanmoins sur le fait que la neuroplasticité du cerveau de la personne implantée contribue vraisemblablement à la variabilité du résultat qu’elle obtient.
« … la neuroplasticité du cerveau de la personne implantée contribue vraisemblablement à la variabilité du résultat qu’elle obtient. »
Les chercheurs de cette étude ont décidé de s’intéresser à une structure bien spécifique du tronc cérébral appelée locus cœruleus (LC). Pas uniquement dédiée aux voies auditives du cerveau, cette structure libère un neurotransmetteur, la noradrénaline. Le LC a pour action d’augmenter la neuroplasticité du cerveau propice à l’audition en utilisant des fonctions d’apprentissage, de mémoire et de stimulation.
À la tête de l’équipe, des chercheurs du centre NYU Langone Health se sont demandé si le fait de stimuler cette structure profonde du tronc cérébral pourrait accroître la capacité du cerveau à comprendre plus efficacement les signaux électriques qui traversent un implant cochléaire.
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Des rats normo-entendants ont été entraînés pendant 15 jours à répondre à des sons particuliers. Ils ont ainsi appris à appuyer sur un bouton en entendant un son spécifique, mais à ignorer d’autres types de sons. Lorsqu’ils appuyaient sur le bouton en entendant le bon son, ils étaient récompensés et chaque fois, l’activité neuronale de leur locus cœruleus (LC) augmentait. À l’inverse, quand les rats n’appuyaient pas sur le bouton ou qu’ils appuyaient à tort, l’activité neuronale de leur LC diminuait.
Au terme de cette phase préparatoire de 15 jours, les rats ont été rendus sourds. Chacun d’eux a alors reçu un implant cochléaire avant de subir un nouvel entraînement identique au précédent. En fonction du son, le rat devait ou non appuyer sur le bouton. Cette fois-ci, les rats étaient sourds avec un implant cochléaire. À l’activation de l’implant, deux groupes ont été étudiés : l’un contenait les rats avec un LC stimulé et l’autre les rats avec un LC non stimulé. On a alors comparé ces deux cohortes entre elles pour voir avec quelle rapidité les rats étaient capables de réaliser la tâche proposée.
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Cohorte 1 : rat sourd avec implant cochléaire PLUS stimulation du locus cœruleus
Temps écoulé avant reconnaissance du son : 3 jours
Cohorte 2 : rat sourd avec implant cochléaire SANS stimulation du locus cœruleus
Temps écoulé avant reconnaissance du son : 9 jours
Cette étude a montré que la stimulation du LC augmentait la neuroplasticité permettant ainsi aux rats de s’adapter à leur implant cochléaire beaucoup plus rapidement !
Mario Svirsky, coauteur principal de ce projet, précise que l’étude a analysé le comportement de rats répondant à des sons simples. Si les résultats de cette recherche sur la flexibilité cérébrale et les implants cochléaires sont intéressants, d’autres études seront indispensables pour mieux analyser l’audition chez les êtres humains. Notre ouïe est en effet bien plus complexe et implique toute une variété de tonalités, de sonorités et de processus.
Le prochain objectif consistera à trouver une méthode non invasive capable de stimuler le cerveau humain pour augmenter l’efficacité de l’implant cochléaire. Beaucoup de recherches seront encore nécessaires afin de garantir la sécurité du processus et de voir si ce modèle fonctionne aussi pour la neuroplasticité humaine. Cette étude offre l’espoir de potentielles alternatives de traitement pour les nouveaux porteurs d’implants cochléaires. Toutes les success-stories d’implantation ne se ressemblent pas pour le moment, mais un jour peut-être…