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Être une maman sourde

maman sourde
Je suis sourde depuis toujours, mais devenir une maman sourde m’a plongée dans une toute nouvelle aventure. C’est un parcours semé d’embûches, mais aussi très gratifiant.

Être une maman sourde

Je dormais profondément quand soudain, mon lit s’est mis à trembler et ma lampe à clignoter, me réveillant violemment. Où étais-je ? En discothèque en plein séisme ? J’ai peu à peu retrouvé mes esprits et réalisé que c’était seulement mon bébé qui pleurait. Sans doute un peu masochiste sur les bords, j’avais choisi d’utiliser cette technologie pour m’alerter sur ses besoins en raison de ma surdité profonde. Oui, je suis une maman sourde.

Maman pour la toute première fois, il m’a fallu un certain temps avant de me dire que c’était peut-être l’occasion de profiter de la parfaite audition de mon dormeur de mari. Entre me faire réveiller brutalement et sentir la douce caresse de sa main, autant dire que la réponse à notre bonheur éternel était vite trouvée. Des années plus tard, ma fille continue d’être la « bénéficiaire » de cet univers en constante évolution qu’il me faut découvrir : l’aventure de la maternité pour une maman sourde. Son frère cadet est venu ajouter à la difficulté. Mais il y a aussi d’immenses récompenses.

Stade du nourrisson/enfant en bas âge

Une fois que j’ai trouvé la meilleure façon de gérer les tétées au milieu de la nuit, il m’a fallu résoudre un autre problème : la sieste. Pendant la journée, j’utilisais un babyphone avec des témoins lumineux qui s’intensifient en fonction du bruit. Et aussi un mode vibreur et un bouton pour le volume. Bref, il était parfait jusqu’à ce que ma fille commence à faire des vocalises. J’ai alors dû me mettre à écouter attentivement pour déterminer si elle était en train de pleurer ou simplement de partir dans son petit monde. Le moniteur vidéo a résolu le problème. Cela me permettait de voir à quel moment elle s’endormait réellement. Mais aussi de savoir, à son réveil, si elle était gentiment en train de jouer ou si elle avait besoin de moi.

À mesure que mes enfants sortaient de la phase bébé, j’ai pu commencer à comprendre leurs paroles en face à face. Il a fallu pour cela leur apprendre à communiquer avec moi. Dès le début, nous leur avons expliqué qu’ils devaient s’approcher physiquement de moi et tapoter sur mon bras pour attirer mon attention. Ils devaient aussi me regarder dans les yeux en parlant pour que je puisse lire sur leurs lèvres.

J’ai souvent du mal à lire sur les lèvres des enfants. Mais jamais avec les miens. Ils sont devenus très doués pour communiquer et s’expriment avec une grande clarté. Le fait qu’ils ne le font pas simplement avec moi, mais avec tout le monde, montre qu’ils ont acquis une compétence sociale essentielle au quotidien. Ma surdité m’empêche bien entendu de comprendre les paroles mêlées aux pleurs ou aux gémissements. Ils ont donc appris à d’abord se calmer avant de retenter leur chance. J’ai également découvert qu’il m’est difficile de lire sur les lèvres lorsque mes yeux ne se sont pas encore suffisamment habitués à la lumière. Nous avons donc dit à nos enfants de toujours s’adresser à Papa lorsqu’ils avaient besoin de quelque chose pendant la nuit.

A lire également : À quoi ressemble la vie d’un enfant entendant de parents sourds ?

« J’ai également découvert qu’il m’est difficile de lire sur les lèvres lorsque mes yeux ne se sont pas encore suffisamment habitués à la lumière. »

Enfance

L’école élémentaire a ouvert la porte d’un monde complètement nouveau. Je craignais de me sentir à l’écart, mais la technologie a permis d’aplanir les choses. L’ensemble du personnel disposait d’e-mails et l’école envoyait des newsletters électroniques. Lorsque quelqu’un m’appelait à la maison, je me servais de mon téléphone avec reconnaissance vocale.

En voiture, mes enfants savent que nous ne pouvons pas avoir de conversation normale lorsque je conduis. Je dois avouer que j’ai souvent profité des stops pour vérifier dans le rétroviseur que tout allait bien pour eux. Petits, ils avaient toutefois du mal avec le concept de priorités. Je les entendais parfois crier : « Maman ! Maman ! Maaa-mannnnnnnn !!! » parce qu’ils voulaient absolument me raconter une anecdote sans importance. Juste au moment où je m’apprêtais à changer de file.

Le fait d’avoir besoin de bien voir mes enfants présente toutefois un inconvénient. Mon mari et ma famille m’ont en effet appris que ces derniers ont développé un certain talent pour profiter de mes angles morts. Ils savent s’y prendre pour se provoquer sournoisement comme le font si bien les frères et sœurs, quand je ne regarde pas ! Ma crainte, c’était qu’à l’adolescence, quand mon mari serait absent pour un voyage d’affaires, ils cherchent à profiter de ma surdité pour faire des choses en douce comme organiser une fête pendant mon sommeil. Nous avons essayé de bien leur faire comprendre qu’agir ainsi serait une grave erreur. Pour qu’ils restent sur leurs gardes, je me suis mise à les surprendre au hasard. Mon ingénieur de mari s’est également intéressé de plus près aux détecteurs de mouvement.

Adolescence

Maintenant qu’ils sont adolescents, je dois avouer que les seuls écarts dont ils se sont rendus coupables ont été de veiller trop tard ou d’outrepasser le temps autorisé sur leurs écrans. Nous habitons dans un quartier qui permet de se rendre à l’école à pied. Donc ils ont hérité de nos anciens smartphones quand ils étaient au collège. Pouvoir envoyer des SMS ou nous appeler a vraiment simplifié nos échanges.

Les communications avec l’école continuent à se faire principalement par e-mail. Durant la pandémie, j’ai voulu suivre certaines réunions scolaires importantes sur Zoom. Comme elles n’étaient pas accessibles, j’ai dû compter sur mon application de transcription.

Nous avons appris par ailleurs à nos dépens que lorsqu’un enfant demande à rentrer à la maison depuis l’infirmerie scolaire, un parent doit impérativement téléphoner pour confirmer. Nous avons réussi depuis à faire accepter qu’un e-mail de ma part suffise.

Les avantages d’être une maman sourde

L’un des avantages d’être sourde est que je suis totalement immunisée contre la musique insupportable. Les enfants sont libres d’écouter ce qu’ils veulent et de jouer des instruments qui leur plaisent. Aussi souvent qu’ils le souhaitent. Lorsque j’ai reçu mon implant cochléaire, j’ai aussi pu compter sur deux petits assistants supplémentaires, très enthousiastes à l’idée de m’aider dans ma rééducation.

Mon aînée joue volontairement les interprètes pour moi. Notamment lorsque son frère a des ennuis avec mon mari. Les enfants et moi entretenons également des conversations secrètes. Tous les deux sont aussi plus autonomes, plus conscients des différences des autres et s’adaptent rapidement. Et tout comme être sourde est pour moi la seule manière d’être que je connaisse, avoir une maman sourde est pour eux la seule relation maternelle qui existe. Quand je leur ai demandé ce que cela leur faisait d’avoir une maman sourde, mon aînée a répondu : « Je ne crois pas que ce soit différent que d’avoir une tout autre maman. Car je suis habituée à toi. C’est juste normal. Je me sens un peu frustrée parfois quand tu n’arrives pas à lire sur mes lèvres. Mais tout le monde ressent de la frustration à l’égard de sa maman à l’occasion. »

Sans surprise, le plus jeune s’est contenté d’ajouter : « Oui, pareil ».

Lisa A. Goldstein
Lisa A. Goldstein
Lisa A. Goldstein has a Masters in Journalism from UC Berkeley, a digital hearing aid, a cochlear implant, and plenty of deaf-friendly communication equipment. She spends her days juggling life as a freelance journalist, wife, and mother of two in Pittsburgh, PA.