Mon odorat est le plus développé de mes cinq sens. Je peux sentir de loin si le voisin de l’immeuble d’en face met une tartine dans son grille-pain, si quelqu’un à distance est en train de tondre sa pelouse, mais aussi si des toilettes publiques se trouvent à proximité. D’un côté, mon odorat me rend fier, mais il peut aussi être fatigant. En décembre dernier, j’ai été testée positive au Covid-19 et je ne sentais plus rien du tout. Ce n’est que maintenant, environ deux mois plus tard, que les premières sensations olfactives reviennent lentement, mais je suis encore loin de ma capacité normale.
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Pour mes oreilles, c’est l’inverse. Comme ma perte auditive a été provoquée par une maladie dans mon enfance, je me suis peu à peu résignée à entendre de moins en moins. Jusqu’à ce que la situation devienne critique et que j’aie besoin d’un appareil auditif. Depuis, je redécouvre de nombreux sons, comme le chant des oiseaux, la sonnerie de ma porte d’entrée ou même les gouttes de pluie. Le monde est bruyant, plein de sons différents. Pour pouvoir le constater, il faut pouvoir entendre. Ce n’est qu’alors que l’on peut aussi constater l’absence de bruits. Seul celui qui entend peut percevoir le silence. En tant que malentendant, on se familiarise avec le silence, il nous accompagne, il devient quotidien. Une personne malentendante ne perçoit pas le silence comme un silence, mais comme un événement normal. Mais ce n’est pas le cas. C’est un état d’exception. Seuls les entendants peuvent vraiment entendre le silence.
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C’est précisément pour cette raison que depuis quelques années, depuis que je suis équipé d’un appareil auditif, je redécouvre l’hiver. Un hiver avec beaucoup de neige à la campagne produit un silence très particulier qui n’existe qu’à cette saison. La neige atténue les sons et atténue le bruit des gens dehors. Si l’on se promène en hiver et que l’on ne bouge pas, on peut entendre le silence. Comme les flocons de neige tombent sans bruit et comme la nature figée se plie tranquillement à la splendeur blanche. Des bruits autrement légers, comme un peu de vent, sont maintenant clairement audibles, mais seulement parce que tout est calme autour d’eux.
Le silence est pour moi une expérience, un bruit que je peux maintenant ressentir. Ce n’était pas le cas avant. Je peux désormais désirer le silence parce que je sais ce qu’il signifie. Tout comme je sais, en tant que personne qui sent très bien, quand les odeurs sont complètement absentes. Le Covid-19 m’a privé de cette connaissance et j’espère que je pourrai bientôt sentir à nouveau quand quelque chose ne sent rien du tout. Tout comme je peux maintenant entendre quand tout est complètement silencieux.