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Comment mes enfants ont réagi à ma perte auditive

enfants

 

Au moment où ma perte d’audition a été diagnostiquée, je savais que je pouvais compter sur le soutien total de ma famille. Ce que je n’avais pas anticipé, c’est la manière dont cette annonce et ses conséquences allaient affecter mes enfants.

Lorsque ma perte auditive a été diagnostiquée, mon entourage s’en est tout d’abord amusé. En dehors des nombreux « Tu vois, je te l’avais bien dit », les réactions ont plutôt été positives dans l’ensemble. Mais, lorsque je suis rentré à la maison avec mes deux aides auditives, ce n’était plus la même histoire, notamment avec mes enfants.

J’ai trois enfants, déjà grands ; l’aîné est même adulte. Chacun a réagi différemment devant ce « nouveau moi » que j’étais devenu pour eux. Si physiquement je n’avais pas changé – à moins d’être tout proche, il est quasi impossible de voir mes aides auditives – quelque chose avait changé.

Expliquer mes aides auditives à mes enfants

Qu’ils les voient ou non, mes enfants savaient que mes aides auditives étaient là et, de fait, cela me rendait différent. C’est ma cadette qui a été la plus perturbée. Bizarrement, soit elle criait en me parlant, soit elle murmurait tout doucement. Accidentellement ou délibérément, il lui arrivait de heurter mes appareils en me faisant un câlin ou en me disant bonne nuit, sachant très bien que l’expérience était non seulement désagréable pour son « papounet » mais également risquée pour mes aides auditives.

J’ai pris le temps de lui parler de mes aides auditives, de lui expliquer leur fonctionnement dans les grandes lignes. Je pouvais espérer, temporairement, un peu de douceur… jusqu’au prochain débordement d’affection involontaire…

Il faut dire que nous sommes très proches et aimons les câlins, bisous et autres marques d’affection dans la famille. Mais quelque chose avait résolument changé. Les aides auditives, mes aides auditives semblaient avoir instauré une nouvelle dynamique. Je ne savais plus sur quel pied danser. Quand je posais la question poliment, cela ne marchait pas ; la réprimander non plus, car elle prétextait alors avoir oublié.

« Les aides auditives, mes aides auditives semblaient avoir instauré une nouvelle dynamique. »

Au final, c’est le temps qui a modifié son comportement. Je ne saurais vous dire quand cela s’est produit, quel jour ni même quel mois. Tout est redevenu normal entre nous, si ce n’est que mes aides auditives sont son excuse préférée.

« Je l’ai dit à papa mais il ne m’a sûrement pas entendue » ou « Ce n’est pas ma faute si tu n’entends pas bien ; je ne le fais pas exprès ».

Ma deuxième, qui est à l’université, est très serviable ; elle est généralement la première à aider à la maison, lorsque la famille traverse une crise et que tout le monde doit être sur le pont. Sa réaction a été celle de l’évitement, ignorant ce nouveau père et ses oreilles bioniques. Elle était toujours aussi affectueuse et serviable, mais évitait soigneusement d’évoquer ces choses dans mes oreilles.

Avec elle aussi, tout s’est estompé avec le temps ; il a peut-être fallu un ou deux mois, mais cela a fini par passer. Elle est à nouveau comme avant et plaisante même gentiment de ma perte d’audition car, même si j’ai de formidables appareils, il m’arrive encore de mal comprendre certaines choses, ce qui entraîne des situations parfois cocasses à la maison.

Enfin, avec l’aîné, qui est adulte et va à l’université, le changement de comportement a été minime. Il a montré quelques signes d’inquiétude mais lorsqu’il a compris que ces appareils étaient une bonne chose, il s’est détendu et m’a de nouveau regardé comme avant. Sa période d’adaptation n’a duré que quelques jours, contrairement à ses sœurs, qui ont mis plus de temps à s’adapter à la nouvelle donne.

« Il a montré quelques signes d’inquiétude mais lorsqu’il a compris que ces appareils étaient une bonne chose, il s’est détendu et m’a de nouveau regardé comme avant. »

Être un papa avec des aides auditives

Les différentes réactions de mes enfants à mes aides auditives m’ont quelque peu troublé et chagriné. À mes yeux, c’est moi qui avais besoin d’aide ; ce n’était pas logique pour moi. Il a fallu que j’y réfléchisse sérieusement et que je commence à me poser de vraies questions pour que les choses se mettent en place. Je savais que mes liens avec mes enfants étaient solides et fondés sur l’amour, puisque nous étions et sommes toujours une famille très unie. Je savais donc que cela n’avait rien à voir avec nos liens. Alors quelle en était la cause ? Pour vraiment comprendre, j’ai dû me livrer à une introspection.

Lorsque j’ai appris que je souffrais d’une perte auditive, j’ai été ébranlé. J’ai eu le sentiment d’être diminué. Cela m’a procuré une sensation de grande vulnérabilité et de colère. Je me suis rendu compte que les sentiments que j’éprouvais étaient en tous points comparables à ceux d’un deuil, celui de mon audition. Cela peut sembler difficile à croire mais il est avéré que, dans la période qui suit l’annonce de la perte d’audition, il y a souvent une période de deuil, avec toutes les phases qui lui sont associées.

Lorsque j’ai pris conscience de ces sentiments et émotions, j’ai compris que ma famille devait également vivre quelque chose de similaire au deuil et que je devais gérer. Lorsque j’y repense, ils présentaient effectivement les symptômes classiques du travail de deuil. Il n’y avait aucune différence au cœur des choses, simplement des différences dans la manière dont chacun de nous gérait ses sentiments.

Elle a insisté pour que je prenne au sérieux la nouvelle car cela allait changer ma vie.

J’ai tendance à plaisanter de tout. En fait, j’étais si badin lors de l’annonce du diagnostic que mon audioprothésiste m’a rappelé à l’ordre, très gentiment. Elle a insisté pour que je prenne au sérieux la nouvelle car cela allait changer ma vie. Depuis toujours, j’évite les moments difficiles émotionnellement en plaisantant.

Lorsque j’ai compris pourquoi mes enfants avaient un comportement inhabituel, il a été facile de les aider. J’ai fait attention à ne pas parler sans arrêt de ma surdité ni de mes aides auditives et je me suis efforcé le plus possible d’être celui que j’étais avant. Cela a marché et, mon anxiété diminuant, mes enfants ont été moins stressés. Ce changement s’est opéré subtilement, si subtilement en réalité que je ne sais pas quand tout est redevenu normal. Mais ça a été le cas. Quiconque a fait l’expérience d’un deuil et des sentiments de perte qui y sont associés comprendra qu’au début, on a l’impression que plus rien ne sera comme avant. La vie ne peut plus être la même. Un sentiment de désespoir empêche de comprendre que le temps possède un fantastique pouvoir de guérison.

« J’ai fait attention à ne pas parler sans arrêt de ma surdité ni de mes aides auditives et je me suis efforcé le plus possible d’être celui que j’étais avant. »

Ce n’est donc pas ce que j’ai fait ou pas fait qui a changé l’état d’esprit et les émotions de mes enfants, mais le temps et une prise de conscience collective : à la fois sur la solidité des fondations de notre famille et sur le fait que nous avions survécu à une nouvelle tempête, comme il en survient de temps en temps, sans crier gare, dans chaque famille.

Mon conseil pour être un « papa avec des aides auditives »

Si vous vous retrouvez dans ce genre de situation alors que vous venez tout juste d’apprendre que vous souffrez d’une perte auditive, mon conseil va être relativement simple : soyez indulgent envers vous-même et envers votre entourage. Essayez de vous souvenir que l’on ne parle pas de « perte » d’audition sans raison. Gardez à l’esprit que tous ceux qui vous aiment éprouvent ce sentiment de deuil et que chacun, quel que soit son âge, vivra cette expérience à sa façon.

« Soyez indulgent envers vous-même et envers votre entourage. »

Nous sommes tous uniques et c’est seulement en gardant cela à l’esprit que nous permettons aux autres d’être réellement eux-mêmes. Je ne dis pas qu’il ne faut pas prendre le temps d’expliquer votre perte d’audition à vos proches et vos amis car cela est évidemment une bonne idée. Mais ce que m’a appris mon expérience personnelle, c’est qu’il ne faut pas en faire tout un monde. Plus vous mettez l’accent sur le changement, plus les autres prennent conscience de la différence avec la personne qu’ils craignent de vous voir devenir.

Oui, il y a des changements mais les affronter avec optimisme vous permet de traverser la confusion ambiante des premiers temps et d’accueillir des jours meilleurs. Je suis passé par les cinq phases du deuil, du déni initial, refusant de croire qu’il y avait un problème avec mon audition, à la colère. Je me souviens avoir été très en colère : ce n’était pas juste, pourquoi moi ? Je me souviens même avoir marchandé, me disant que si mon audition revenait, j’en prendrais soin.

J’ai ensuite cédé le pas à la dépression. Je me souviens ne plus avoir voulu parler au téléphone ni sortir car je n’entendais pas bien. Tout d’abord, parce que j’attendais mes aides auditives, ensuite, parce que lesdites aides auditives rendaient le paysage sonore très différent. Et puis, comme dans tout deuil, est venu le temps de l’acceptation. J’ai commencé à voir que ma vie était belle depuis que j’avais mes aides auditives.

Et aujourd’hui, je suis encore plus heureux qu’avant. Pourquoi ? Sans doute parce que j’ai bataillé pendant des années pour bien entendre, niant le problème pendant tout ce temps.

« Et aujourd’hui, je suis encore plus heureux qu’avant. »

Bénéficier d’un diagnostic, porter des aides auditives et savoir que je présentais une perte d’audition ont été pour moi un énorme point positif dans ma vie. Savoir que j’entendais mal m’a donné de la force et j’espère sincèrement que cela est contagieux. J’aimerais vraiment que toute personne présentant une perte auditive soit en mesure de se sentir aussi bien que moi.

PR Hilton
PR Hilton
Ambassadeur Phonak, Phil est un auteur, journaliste et thérapeute, vivant sur la belle côte du North Yorkshire avec sa femme Raine et leurs trois enfants. Phil a été diagnostiqué en 2016 d'une perte auditive neurosensorielle légère à modérée dans les deux oreilles et d'un acouphène. Il utilise les aides auditives Phonak avec réglage automatique du volume.