La dépression est incroyablement difficile à évoquer car elle s’assimile au « chien noir ». Le « chien noir » est une métaphore parfaitement adaptée qui a été attribuée à Winston Churchill. Cela me fait toujours penser à une créature comme le « Grim » de Harry Potter. Il se tapît dans l’ombre, à la périphérie de votre champ de vision, vous savez qu’il est là et vous vous en préoccupez constamment ; mais chaque fois que vous tournez le regard pour le voir, il s’éclipse furtivement pour finalement disparaître de votre vue.
Il est bien connu que la dépression tend à affecter les personnes souffrant de perte d’audition. Il y a déjà eu un certain nombre d’articles publiés ici à ce sujet. La raison principale de la prévalence de la dépression chez les personnes atteintes de perte d’audition réside dans le fait que la perte d’audition peut être un facteur d’isolement. Surtout quand nous nous sentons à l’écart des autres à cause de notre handicap. « La prévalence de la dépression modérée à sévère était plus élevée chez les adultes américains âgés de 18 ans et plus souffrant d’une déficience d’audition auto-déclarée (11,4%) que chez les personnes ne souffrant d’aucune déficience d’audition (5,9%). « La dépression étant plus fréquente chez les personnes sourdes et malentendantes que chez les personnes entendantes, je pense qu’il est important de faire part de mon expérience.
J’ai brièvement mentionné, dans un autre article, ma lutte contre la dépression pendant ma première année d’université. Je n’ai pas vraiment réalisé que je souffrais de dépression avant la fin de mon expérience. Fin 2009, j’ai été accepté en tant qu’étudiant à la prestigieuse université de Rhodes, à Grahamstown, en Afrique du Sud. Je venais tout juste de terminer une année sabbatique et de décider que je devais tenter une nouvelle expérience. J’attendais ce changement avec impatience. Ce que je n’avais pas réalisé, c’était à quel point ma vie allait changer. Je me suis éloigné de mes amis et de ma famille pour me retrouver dans un endroit complètement inconnu, très différent des banlieues dans lesquelles j’avais vécu toute ma vie. Grahamstown est une ville beaucoup plus petite que Durban. J’avais l’impression que les murs s’étaient effondrés autour de moi. Même si je pouvais traverser la ville pour me rendre à peu près n’importe où, je me sentais confiné. L’autre grand changement concernait la culture. Grahamstown est une vraie ville étudiante, et la population augmente d’environ un tiers en cours d’année universitaire, avec tous les comportements typiques des jeunes âgés de 20 ans ou plus lorsqu’ils se retrouvent loin de chez eux pour la première fois : boire, faire la fête, et tout ce qui va avec. C’est un lieu de vie très BRUYANT, dont je me suis immédiatement senti exclu.
L’isolement. Je pense que c’est ce qui fait que nous finirons très certainement par être poursuivis par le fameux « chien noir ». C’est le dénominateur commun qui relie ceux et celles d’entre nous qu’il a déjà traqués. Je pense que l’isolement peut s’installer plus rapidement lorsque vous êtes déjà aux en proie à une perte d’audition. Dans mon cas, je suis devenu une sorte d’ermite dans ma chambre d’étudiant. Je me suis auto-exclus des situations sociales qui m’épuisaient et auxquelles je n’avais pas l’impression d’appartenir.
J’ai cessé d’assister aux cours et, avec le temps, j’ai cessé d’aller aux repas. Mon existence s’est encore amenuisée – prisonnier que j’étais des quatre murs de ma petite chambre dans une résidence universitaire (qui mesurait peut-être 4m x 2m). Je me nourrissais de soupe instantanée, de café et, une fois de temps en temps, de pizza à emporter, selon l’argent qu’il me restait (car j’avais en effet la chance et le privilège de disposer à ce moment-là d’un versement mensuel régulier de la part de mes parents). En trois mois environ, j’ai perdu de 10 à 15 kg. Mon père est venu me chercher à la fin du semestre et m’a effectivement fait sortir de ma chambre pour que je reste avec lui au Bed & Breakfast où il séjournait pendant ma dernière nuit à Grahamstown. Au cours de cette dernière semaine, je suis allé voir tous mes professeurs pour mettre un terme à mes cours, et c’est le directeur de la faculté de psychologie qui, en un rien de temps, m’a diagnostiqué une dépression.
Comme les « Détraqueurs » qui gardent la prison magique d’Azkaban dans Harry Potter, la dépression affecte chacun de nous différemment. Les dénominateurs communs, cependant, semblent être les suivants :
– Retrait et apathie quand il s’agit de faire réellement des choses
– sentiments d’impuissance
– profonde « tristesse » (faute d’un meilleur terme)
– changements dans les habitudes alimentaires et le poids
– manque d’énergie
– changements dans les habitudes de sommeil
Pour en savoir plus sur les symptômes de la dépression, cliquez ici.
Reconnaissant que l’isolement et la déficience auditive peuvent aller de pair, il est extrêmement important d’être soutenu par son entourage.
Lire la suite : Pourquoi le soutien social est crucial pour les personnes souffrant de déficience auditive.
Pour vaincre l’isolement, nous avons besoin de personnes qui nous écoutent et entendent nos inquiétudes. Nous avons besoin de les évacuer régulièrement. Selon une recherche sur la déficience auditive et la dépression menée par Jessica West, une doctorante en sociologie de l’université Duke, le soutien social est important pour les personnes sourdes et malentendantes afin de prévenir la dépression. « Il est important que les personnes souffrant de déficience auditive se sentent capables de se reposer sur, de parler avec, et de compter sur leur famille, leurs amis, leurs conjoints ou partenaires, et leurs enfants », explique West. « Et pour aller plus loin encore, les personnes souffrant de déficience auditive doivent savoir que ces personnes importantes dans leur vie comprennent vraiment le combat qu’elles mènent ». Il est incroyable de voir que vous pouvez enlever un poids de vos épaules simplement en parlant des choses qui vous préoccupent. Notre meilleur conseil consiste à verbaliser vos inquiétudes. Les réseaux sociaux sont formidables et peuvent être un outil utile pour vaincre l’isolement, mais ils ne sont rien à côté d’une conversation en présence d’une vraie personne. Il y a une citation qui trônait dans la classe de l’un de mes professeurs et qui illustre cela : « La joie partagée est une joie double. Le chagrin partagé est un chagrin diminué de moitié » (proverbe suédois).
Il est plus difficile de vaincre la dépression une fois que vous y avez succombé, mais sachez qu’elle peut être vaincue. Alors, après avoir réalisé que la menace du chien noir vous guette, comment vous en débarrasser ? Cela commence par l’étape la plus difficile : demander de l’aide.
C’est un premier pas important à franchir, parce qu’il est vraiment difficile de s’extraire de votre lit quand vous vous débattez avec cette chose qui sape toute votre énergie et votre motivation. Quand vous entendez dire « déride-toi ! », « souris un peu ! », et « mais qu’est-ce qui peut bien te rendre si triste ? » de la part d’autres personnes qui ne comprennent pas ce que vous endurez, cela rend les choses plus difficiles encore. Il est difficile de croire que quiconque puisse comprendre ce que vous traversez – mais je vous assure que vous n’êtes pas seul. Ce n’est pas un aveu de faiblesse d’en parler. Les professionnels ne vous laisserons pas tomber ou ne vous feront pas subir de lavage de cerveau (même si certaines vérités ne font pas toujours plaisir à entendre, le fait de s’attaquer à la source du problème peut être déplaisant, et se débarrasser du problème peut être aussi douloureux, mais une fois que vous entamez le processus de guérison, croyez-moi, ça en vaut vraiment la peine). Encore une fois, souvenez-vous : la joie partagée est une joie double, mais le chagrin partagé est un chagrin diminué de moitié. Faites ce premier pas – demandez de l’aide à ceux qui sont le plus capables de vous en apporter – et le parcours n’en sera que plus facile une fois que vous l’aurez entamé.