Ce que la perte auditive de mon père m’a enseigné

La perte auditive est une chose dont nous n’avons jamais vraiment parlé dans ma famille sauf pour me rappeler de bien porter mes aides auditives. Mon père mettait les siennes comme il le faisait pour ses lunettes et cela n’appelait aucune discussion.

L’histoire de ma perte auditive

Après avoir refusé d’accepter, d’affronter ou même d’aborder ma propre perte auditive pendant près de 30 ans, j’ai récemment fini par m’y intéresser de près. Aujourd’hui, je n’arrête pas d’en parler. Pourquoi cette fascination soudaine ? J’avais tellement vécu de situations dans ma vie où je ratais des choses, mais où j’entendais quand même suffisamment pour me sentir incomprise et où je n’avais qu’un seul souhait : comprendre ce qui se passait autour de moi. J’ai réalisé qu’avoir été témoin des difficultés auditives de mon père pendant mon enfance m’avait beaucoup appris au fil des années. Le rapprochement entre mon vécu personnel et sa situation m’a permis non seulement d’explorer ma propre perte auditive, mais aussi de commencer à en apprendre plus sur l’histoire de ma famille, notamment du côté de mon père.

Perte auditive et antécédents familiaux

Maintenant que j’ai exprimé l’envie d’en savoir plus, mon père est ravi de pouvoir parler de sa perte auditive. Depuis un an, je ne cesse donc de lui poser des questions sur l’histoire de notre famille.

La perte auditive de mon père lui a été diagnostiquée quand il était en cinquième et qu’il avait du mal à entendre en classe, mais il n’a pas porté d’aides auditives avant d’avoir atteint la quarantaine ou la cinquantaine. Cela ne semblait pas nécessaire au vu du « manque de sévérité » de sa perte auditive. Il a depuis progressivement perdu son audition et souffre désormais d’une perte auditive modérément sévère à profonde, essentiellement sévère.

Mon père m’a expliqué que son propre père, son grand-père, ses cousins et ses oncles avaient tous souffert de perte auditive. Bien que je n’aie jamais rencontré ces membres de ma famille paternelle (notamment parce que mon père avait déjà un âge avancé à ma naissance), il me semble que chacun d’entre eux a porté des aides auditives et a également continué à perdre son audition au fil du temps.

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La perte auditive peut isoler, l’exemple de mon père

Si mon père réussissait à « se débrouiller » et même à s’épanouir dans certains types d’interactions, en grandissant je l’ai souvent vu rester en marge des discussions. Certaines situations sont source d’isolement, par exemple :

• Quand les gens sont en groupe, ils prennent la parole dès qu’ils ont quelque chose à dire, mais les personnes malentendantes ont quant à elles du mal à suivre le fil de la conversation. Dans ces cas-là, mon père, lui, restait assis en retrait et se contentait d’observer. La plupart du temps, les gens ne s’en apercevaient même pas. Parfois, ils tentaient de l’inclure dans leurs conversations en s’adressant à lui directement. Il essayait alors d’interagir, mais c’était visiblement dur pour lui de tout saisir à certains moments.
• Il nous arrivait d’aller dans des endroits comme chez Subway pour acheter des sandwiches et c’était dur pour lui de comprendre les employés. J’ai vu certains d’entre eux perdre patience comme s’ils n’avaient pas le temps.
• Quelquefois, on lui posait des questions ou on essayait de lui faire la conversation, mais il ne réagissait pas. Les gens devaient penser qu’il était malpoli quand il ne pouvait en réalité tout simplement pas les entendre.

« Les gens devaient penser qu’il était malpoli quand il ne pouvait tout simplement pas les entendre. »

• Il lui arrivait régulièrement de ne pas entendre son téléphone sonner. L’appareil sonnait et les gens le regardaient en se demandant ce qu’il attendait pour répondre. Parfois, j’ai encore moi-même du mal à interagir avec lui au téléphone.
• Pour mon père, suivre une conversation sans ses aides auditives est impossible. Une fois, il a été emmené en urgence à l’hôpital sans ses aides auditives et s’est retrouvé dans l’incapacité de communiquer avec le personnel soignant. Une autre fois, ses aides auditives sont tombées en panne et il s’est retranché chez lui jusqu’à ce qu’on les lui remplace.

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Comprendre sa perte auditive

Une grande partie de l’entourage de mon père ne comprenait pas sa perte auditive, mais moi si, car j’étais confrontée au même genre de difficultés.

J’ai découvert que les gens ont tendance à juger les choses par simple ignorance. Mon père se contentait de dire « Hein ? » en plaçant sa main derrière son oreille : il n’a jamais vraiment su défendre sa cause. Quand il était en groupe et qu’il ratait quelque chose, la plupart du temps il se résignait simplement et tentait de suivre du mieux qu’il pouvait. Heureusement, c’est quelqu’un de très patient qui a malgré tout su tirer le meilleur de sa situation.

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Les aides auditives de mon père lui sont très profitables

Grâce à ses aides auditives, mon père peut entendre dans toutes sortes d’environnements. Sans elles, il lui est impossible de communiquer.

Ses aides auditives lui permettent de vivre sa vie comme une personne entendante et il semble plutôt bien s’en sortir dans l’ensemble. Sa famille compte beaucoup pour lui et il veut pouvoir interagir avec elle.

Dernièrement, j’ai tenté de les convaincre lui et ma mère d’apprendre la langue des signes en complément des aides auditives. Ils ont essayé, mais apprendre une nouvelle langue à un âge avancé peut s’avérer difficile. Dans ma famille maternelle, on aime jouer de la musique. Mon père a toujours adoré s’asseoir à côté de mon grand-père pour l’écouter à l’accordéon. Cela a aussi été un vrai bonheur pour lui que de réentendre les oiseaux chanter. Il est tellement enthousiaste à chaque fois qu’il parle des sons qu’il retrouve alors qu’ils avaient commencé à disparaître au fil des années.

« Cela a été un vrai bonheur pour mon père que de réentendre les oiseaux chanter »

Il a lancé sa propre organisation caritative pour aider les gens dans le besoin. C’est devenu l’une des plus importantes banques alimentaires de sa région. Il avait l’habitude de faire des interventions et d’incarner l’organisation, mais à peine arrivé à la maison, il s’étendait sur le canapé pour lire un livre ou le journal. Il est tout à fait capable de s’intégrer dans les situations de communication orale, mais je pense qu’il s’épuise plus rapidement que d’autres.

Accepter ma situation est une étape importante

Après avoir vécu mes propres expériences en plus d’avoir assisté à celles de mon père, j’ai ressenti une envie intense d’en apprendre plus sur un maximum de moyens de communication et d’aide à la compréhension.

En apprendre autant que possible pour améliorer sa situation aide à s’accepter en tant qu’individu. La perte auditive n’était pas une chose ouvertement admise dans ma famille, j’essaie donc d’y remédier.

Il existe de nombreuses manières de communiquer

Aujourd’hui, j’apprends tout ce qu’il y a à savoir sur les différentes façons d’optimiser mon expérience et d’adapter la situation à ma perte auditive :

Technologie

• Les aides auditives : les aides auditives amplifient les sons, je n’ai donc pas à faire autant d’efforts pour comprendre ce qui se dit. Cela réduit mon anxiété en société. Les aides auditives améliorent la qualité globale de mes interactions quand je me retrouve au sein de ma communauté. J’ai par ailleurs appris qu’il était bon de toujours avoir une vieille paire d’aides auditives sur soi en cas de problème.
• Les systèmes FM : au théâtre, j’emprunte les systèmes FM. En classe, j’utilisais également des systèmes FM. Ces dispositifs permettent de transmettre le son du système sonore directement dans mes aides auditives ou mes écouteurs.
• ComPilot : mon ComPilot Air de Phonak connecte directement les appareils en Bluetooth à mes aides auditives. Grâce à elles, je peux donc recevoir le son de mon téléphone portable, de mon ordinateur ou de la télévision.
• Les téléphones transcripteurs : ces appareils permettent de voir s’afficher le texte de votre conversation. Mon père utilise un téléphone de ce genre.
• Les visiophones : ils sont pratiques pour les personnes qui s’expriment en langue des signes. Le système permet d’appeler diverses entreprises par l’intermédiaire d’interprètes.

Langue des signes et transcriptions

• La langue des signes : j’adore faire partie d’une culture qui me connecte à d’autres personnes qui partagent ma situation. Pour les personnes culturellement sourdes, c’est un formidable moyen d’accéder pleinement au langage, car cela optimise la compréhension. Maîtriser une seconde langue pour communiquer est une forme d’accessibilité supplémentaire qui me permet aussi d’entretenir la vivacité de mon esprit.
• Le passage par l’écrit : je me suis acheté une petite tablette d’écriture électronique appelée « Boogie Board ». Lorsque discuter devient trop difficile pour moi, j’écris. Parfois lorsque je vais dans un magasin ou un café, je passe ma commande par ce biais. L’avantage, c’est que la tablette est suffisamment petite pour tenir dans mon sac à main et qu’elle m’évite de gaspiller du papier.

« Pour communiquer efficacement, nous devons comprendre que chaque individu jouit de sa propre perception du monde et devons utiliser cette information comme gouvernail de notre communication avec les autres. » – Tony Robbins.

• Le sous-titrage : au cinéma, je demande toujours les appareils de sous-titrage auprès du service client. Combiné à mes aides auditives, ces systèmes me permettent de jouir d’une expérience optimale. Chez moi, je mets toujours les sous-titres des émissions de télévision ou des films. Dans la ville d’à côté, ils viennent de faire passer une loi qui rend le sous-titrage obligatoire dans les entreprises qui utilisent des téléviseurs. Pour moi, le sous-titrage est quelque chose d’incroyablement bénéfique.
• Les interprètes/transcripteurs : je trouve que ces intermédiaires sont particulièrement pratiques en classe, pour les réunions ainsi que dans les environnements bruyants. Beaucoup de gens ont recours à des services d’interprétation en langue des signes pour aller chez le médecin.
• La transcription automatique : il existe des applications pour smartphones ainsi que des microphones déportés comme le Roger On. Je n’ai encore jamais eu l’occasion d’utiliser l’une ou l’autre de ces solutions, mais j’ai entendu dire que c’était très pratique.

Si vous pensez que vous ou l’un de vos proches souffrez de perte auditive, vous pouvez obtenir de l’aide ! Découvrez où trouver un audioprothésiste près de chez vous.